Le majestueux et emblématique espace Richaud à Versailles accueille l’exposition « WILLY RONIS EN RDA, La vie avant tout » jusqu’au 19 septembre 2021. C’est une rencontre de l’histoire et de l’émotion par la photographie. Willy Ronis (1910-2009), célèbre photographe humaniste français, a fondé sa renommée sur ses photos sensibles réalisées à Paris, ses illustrations des régions françaises, ses vues engagées du monde ouvrier et des mouvements sociaux, tant en France que dans quelques pays européens, dont principalement la RDA entre 1960 et 1967. Photos souvenirs et devoir de mémoire…
La ville de Versailles et la médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine (MAP), sont heureux de rendre hommage à Willis Ronis.
Nathalie Neumann, historienne de l’art franco-allemande, chercheuse à l’Université de Mayence, auteure d’exposition et Ronan Guinée, en charge du fonds Willy Ronis à la Médiathèque de la MAP, service du ministère de la Culture en charge des archives des Monuments historiques et du patrimoine photographique de l’État, sont les commissaires de cette très belle et passionnante exposition.
La richesse et l’originalité du travail de Willy Ronis sont présentées au travers d’un ensemble de cent trente tirages et de nombreuses archives.
La RDA, pour mémoire, République démocratique allemande, fut un pays méconnu et disparu depuis la chute du mur en 1989, qui le séparait de la République Fédérale Allemande (RFA) depuis 1961. Il existait un Berlin Est et un Berlin Ouest. Le franchissement de ce mur était interdit sans laisser-passer et fut de nombreuses victimes tombées sous les balles des militaires en charge de le surveiller.
Le reportage du photographe est édifiant. Il est devenu un témoignage unique de ce pays qui s’est radicalement transformé depuis la réunification.
Selon une approche historique et pédagogique, cette exposition vise à enrichir la mémoire collective de l’Europe et à valoriser les liens franco-allemands, en premier lieu, ceux qui unissent Versailles et sa ville jumelle allemande, Potsdam.
L’histoire grâce aux tirages d’époque et d’archives : le contexte
Dans la première salle de l’exposition, on découvre les commandes passées auprès du photographe par l’association Échanges franco-allemands (EFA) en 1967 et l’exposition itinérante qui en résulta. De nombreux objets iconiques sont exposés tels que des lettres, des publications de l’EFA, des documents et carnets de travail de Willy Ronis et des photos de sa première exposition qui eut lieu en 1968 à Montreuil, principalement en présentant les catégories sociales.
Des enregistrements inédits de la voix du photographe accompagne la présentation de son travail.
Le contexte politique de la RDA est abordé via un ensemble de tirages de travail d’époque. Des messages engagés sous-jacents, les réalités sociales du pays, le mur de Berlin, la police et le culte des dirigeants apparaissent très distinctement.
Un parcours esthétique et spectaculaire d’une œuvre humaniste
Grâce à une magnifique scénographie réalisée par Laurence Fontaine, le rapprochement et la connivence entre la France et la RDA voulu par Willy Ronis est visible et appréciable. En effet, l’humain et la société dans laquelle il vit est au centre de ses préoccupations et de ses images et rend l’aspect général très universel.
Au cœur de l’espace Richaud, dans l’ancienne chapelle, sont déployées de grandes photographies présentées en duo, il y a 25 couples de photos, d’un côté en France de l’autre en RDA. Les comparatifs sont édifiants d’humanisme et constituent un des deux fils rouges de l’exposition, le premier étant le reportage socio-culturel et le second, la restitution d’images esthétiques.
« J’ai la mémoire de toutes mes photos, elles forment le tissu de ma vie et parfois, bien sûr, elles se font des signes par delà les années. Elles se répondent, elles conversent, elles tissent des secrets. »
La société allemande vue par un français (qui parlait allemand)
En 1967, la mission explicite du photographe consistait à représenter une société comme il a pu le faire pour la sienne, la France. Sensible à la sociologie développée à son époque, Willy Ronis regroupa ses photographies selon des critères-clefs, comme les paysages urbains et naturels, les activités, les loisirs, l’enseignement, les métiers, …
Des ensembles de tirages modernes sont mis en avant dans les deux galeries sud et la coursive du premier étage.
Des portraits de personnalités du monde artistique et intellectuel, telles que Anna Seghers ou Christa Wolf, complètent le propos. Accompagnés de courtes biographies, ces témoignages permettent aux visiteurs d’appréhender la diversité de la culture, des sciences et de l’enseignement qui rayonnaient au-delà des frontières.
Focus sur la photographie et la couleur
Impliqué dans l’enseignement et le journalisme, Willy Ronis profita de ses voyages pour visiter les industries et l’école supérieure de photographie est-allemandes.
Ce sujet qui lui tenait à cœur est également abordé, dévoilant un pan peu connu de sa carrière.
Autre découverte, le reportage en noir & blanc qui fut complété par une petite production exceptionnelle en couleurs. Elle a été restaurée spécifiquement pour cette exposition.
Willy Ronis a ainsi documenté un pays difficilement accessible, qui n’était pas reconnu officiellement par la France à l’époque, ce qui est réellement une prouesse tant technique, qu’esthétique et politico-sociale.
Willy Ronis a éprouvé beaucoup de plaisir à réaliser ce reportage.
Il a mis tout son savoir-faire et son amour pour documenter et pour présenter un autre pays et voulait exploiter la mission qui lui a été confiée sur un plan culturel. L’industrie automobile était une grande fierté pour la RDA, Willy en fait ici un clin d’œil original. Le sport collectif est aussi une spécificité des sociétés communistes. Quelques images fortes le démontrent, tant chez les enfants que pour les adultes, même à la plage.
Willy Ronis se distingue par sa manière de toujours placer l’humain au centre de ses photos dans un cadre respectueux et humaniste. Ce qui est spécifique des photographes français de cette période.
La dimension humaine et bienveillante est typique du regard de ce photographe français, il en découle de nombreuses photographies émouvantes.
Cette exposition sera également présentée en Allemagne. Elle entre pleinement dans le patrimoine visuel européen.
Voici un voyage en RDA inoubliable, présenté dans un lieu mythique, ancien hôpital royal ouvert au public pour approfondir sa culture et s’émerveiller.
Florence Courthial