Au théâtre de la Colline
Du 8 octobre au 30 décembre 2022
Durée du spectacle : 6h incluant 2 entractes (25’ et 1 heure)
« Rien n’est écrit ni rien ne s’écrit
et nous vivons ballotés par le vent des probabilités. »
Synopsis :
Qui pourrait certifier que le monde n’est pas une illusion ? Racine carrée du verbe être raconte une semaine de l’existence de Talyani Waqar Malik quand, aux choix qu’imposent des événements, une direction a été prise plutôt qu’une autre.
Puisant dans sa propre histoire, Wajdi Mouawad dessine avec cette création les ramifications variables, intriquant intime et politique, de l’arbre de vie d’un homme qui pourrait être celui de tout homme. Dans un miroitement de situations et d’enjeux, l’auteur metteur en scène et comédien explore tant les frontières de la physique et de la métaphysique que celles de la fiction avec une histoire hors normes, qui n’est pas telle qu’elle fut réellement mais telle qu’elle aurait réellement pu être.
Critique :
Une racine carrée du verbe être qui nous projette dans cinq destins imaginés et imaginaires, s’entrecroisant à l’infini. Entre Beyrouth, Montréal, Paris, Rome et le Texas, Wajdi Mouawad, raconte cinq vies qui auraient pu être les siennes.
Après la superbe pièce Tous des oiseaux, le dramaturge, metteur en scène et comédien libanais, Wajdi Mouawad, propose une nouvelle saga familiale époustouflante, avec pour point de départ, la guerre au Liban. Il répond aux questions d’actualité grâce au théâtre dans une maitrise parfaite qui nous touche et nous bouleverse. La troupe de comédiens est un doux mélange d’anciens et de jeunes dont les jeux sont absolument parfaits et poignants.
Un enfant de neuf ans et un homme très âgé échangent dans le jardin d’une maison au Liban, dans un jeu de questions et réponses mathématiques. C’est le début de la pièce, son point A. L’un des deux, le vieil homme, est un fantôme. La fin, son point B, ressemble à la scène inaugurale, mais le compagnon imaginaire, projection de lui-même dans un autre temps de la vie, est l’enfant… Entre ces deux points, Wajdi Mouawad et la troupe proposent un voyage extraordinaire, captivant et profondément touchant. On vibre en écoutant les cinq histoires qui se croisent. Les personnages se démultiplient, le réel appelle à de nombreuses probabilités. Tous ces possibles qui s’incarnent et se répondent sont imprégnés de la tragédie des guerres au Liban et de la double explosion effroyable de l’été 2020 au Port de Beyrouth.
Débutant le 4 août 2020, les situations de chaque membre de la famille de Talyani Waqar Malik sont totalement différentes et sont jouées sur les sept jours d’une semaine et dans cinq lieux différents.
En France, Talyani est un chauffeur de taxi qui prend en charge un voyageur à Roissy. En Italie, il est un neurochirurgien détestable qui a abandonné sa famille et se paie des prostituées. À Montréal, il est un peintre subversif qui répond aux questions de plusieurs journalistes lors de la conférence de presse précédant l’inauguration d’une exposition dans un musée. Au Texas, il est l’auteur d’un double meurtre qui attend son exécution. Au Liban, Talyani a une boutique de jeans et vient de subir l’explosion du 4 août 2020. Sa femme et ses deux enfants (des jumeaux) sont en vie, mais son magasin est entièrement détruit. La succession de deux explosions qui a ravagé le port de Beyrouth et ses alentours, a été provoquée par l’incendie d’un dépôt de 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium sans aucune mesure de sécurité et a réveillé de manière terrifiante la violence de la guerre.
Chaque comédien joue merveilleusement bien chacun des rôles. Wajdi Mouawad lui-même et Jérôme Kircher interprètent remarquablement les cinq rôles de Talyani. Physiquement on dirait presque des jumeaux !
Dans cette pièce merveilleuse, majestueuse et bouleversante, autant physique que métaphysique, c’est une série infinie d’équations qui se joue. Vous ne verrez pas le temps passer, alors ne soyez surtout pas effrayer par les 6 heures de spectacle annoncées…