« Le Lamento de Winnie Mandela » (The cry of Winnie Mandela), le nouveau roman de Njabulo Ndebele, traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Georges Lory, retrace l’évolution de quatre Sud-Africaines délaissées par leurs maris. Dans des contextes différents – trahison conjugale, pauvreté ou engagement politique – l’éloignement ou la disparition de leur époux font d’elles les proies d’une société machiste. Combatives face à l’absurdité de la ségrégation comme à la violence de leur propre communauté, ces quatre dames aux personnalités bien trempées se retrouvent dans le cadre d’une Ibandla (petite association) qu’elles fondent avec humour. Autour d’un thé, elles se racontent, se confient, s’interrogent, se soutiennent et se libèrent. Pour aller encore plus loin dans leur introspection collective, tel un jeu, elles décident de faire entrer dans leur cercle, la plus complexe, le plus féminine et féministe des Sud-Africaines, la plus controversée également : l’extraordinaire femme de pouvoir que fut Winnie Mandela. Ce livre est dédié à « Sarah Baartman, victime d’affreux regards européens, profanée après sa mort et reposant finalement dans son pays ».
« Vous vous souvenez de Pénélope ? Cette femme admirable dans l’Odyssée d’Homère qui attend dix-neuf ans le retour au foyer de son mari Ulysse au terme de ses pérégrinations. Vous vous souvenez de sa capacité à survivre, au fil des ans, à cette absence sans aucune limite ? Cette incertitude n’est supportable qu’en ayant la foi. La foi rend tolérable l’infinité, transformant chaque jour impossible en un lendemain possible. »
Ces quelques lignes annoncent le fil conducteur de ce roman choral aux accents philosophiques qui interroge l’usage du vrai et du faux dans la fiction quand il s’agit des icônes de la vie publique. L’auteur l’étaye avec des extraits de la Commission Vérité et Réconciliation et souligne la brutalité du régime d’apartheid sans pour autant exonérer les Noirs de leurs responsabilités individuelles.
Avec Le Lamento de Winnie Mandela, Njabulo Ndebele confronte la double colonisation subie par les femmes dans une nation oppressée. En décrivant les questionnements et les histoires vécues par cette petite sélection d’épouses abandonnées, les nouvelles Pénélopes du XXIe siècle, l’auteur dépeint une société en pleine confusion, agitée et violente, où les confrontations et les ségrégations surgissent de part et d’autres.
Les choix de ces femmes sont très différents les uns des autres et pourtant, ils les réunissent. Chacune envisage de soigner ses blessures intérieures et celles provoquées par l’Apartheid en confrontant leurs points de vue et en interrogeant de manière très directe Winnie Mandela.
Le lecteur est entraîné dans un périple hors du commun, partant du diktat de l’absence, en passant par une cérémonie vaudou pour tenter de récupérer un mari infidèle et, se retrouve finalement dans le tourbillon des « neuf vies de Winnie », qui représente l’infinie quête du bon choix.
Le Lamento de Winnie Mandela nous invite à cheminer entre les contraires, le beau et le laid, le bien et le mal, le noir et le blanc, l’oppression et la liberté à tout prix… Il nous propose de réaliser notre propre introspection pour vivre mieux et ne pas juger son prochain.
Njabulo Simakahle Ndebele, né le 4 juillet 1948, est depuis 2012 chancelier de l’Université de Johannesburg, après avoir enseigné dans plusieurs universités d’Afrique du Sud. Le Lamento de Winnie Mandela est son troisième livre traduit en français.
Florence Courthial