Le Musée Unterlinden consacre une exposition à Fabienne Verdier en lien avec ses collections et son architecture. Les œuvres de l’artiste sont présentées dans le parcours des collections, en dialogue avec les œuvres d’art ancien et d’art moderne depuis l’ancien couvent jusqu’à la salle d’exposition du nouveau bâtiment (Ackerhof).
Dans l’Ackerhof, Fabienne Verdier a imaginé une installation sur mesure, une réponse plastique au vœu des architectes Herzog & de Meuron de faire de cette salle magistrale un lieu de contemplation et de silence au cœur de la ville de Colmar.
À l’échelle de cet espace, elle a créé un ensemble de tableaux, des Rainbows et une œuvre monumentale, Vortex, en lien avec le panneau de la Résurrection du Retable d’Issenheim. L’artiste propose une nouvelle représentation iconographique inspirée par le spectre chromatique et l’aura de lumière peints par Grünewald.
À travers cet ensemble, Fabienne Verdier aborde le sujet de la représentation de la mort non plus dans sa finitude, mais comme la trace d’une énergie qui se transmet aux vivants.
Fabienne Verdier invite les visiteurs à « regarder autrement » certaines œuvres des collections du musée Unterlinden, en relevant notamment l’importance des vibrations de lumière et l’énergie qui s’en dégage.
Le titre de l’exposition, « Le chant des étoiles », évoque avec poésie, le lien entre l’homme et le cosmos, l’énergie vitale entre dissolution et expansion, suivant la belle formule de Hubert Reeves : « Nous sommes tous des poussières d’étoiles ».
Le parcours d’exposition est pensé comme un cheminement qui débute dans les collections permanentes, où les créations de Fabienne Verdier côtoient des œuvres d’art ancien et d’art moderne du musée. Par un jeu de correspondances de formes, de rythmes, de couleurs, de compositions ou de sujets, les visiteurs sont amenés à interroger la façon dont ils approchent une œuvre et à porter un nouveau regard sur les tableaux de Martin Schongauer, de Lucas Cranach, de Jean-Jacques Henner, de Serge Poliakoff, de Jean Dubuffet ou de Georg Baselitz.
Dans l’Ackerhof, l’imposante salle d’exposition temporaire des architectes Herzog & de Meuron, l’artiste et la commissaire ont imaginé une grande installation intitulée Rainbows avec la volonté de transformer l’espace en un lieu de contemplation et de silence.
Fabienne Verdier a créé, pendant presque trois ans, un ensemble monumental de soixante-seize tableaux en lien avec les polyptyques du musée et, plus précisément, avec le panneau de la Résurrection de Grünewald. L’artiste a été particulièrement marquée par la représentation transfigurée et jaillissante du Christ auréolé de lumière, irradiant dans l’obscurité de la nuit étoilée. À partir de ce panneau de Grünewald, et renonçant aux représentations traditionnelles
de l’histoire de l’art occidental (danses macabres, squelettes et Jugement dernier), l’artiste propose une nouvelle iconographie inspirée des observations contemporaines de l’aura de lumière produite lors la mort d’une étoile.
Conçus comme des individualités, les différents tableaux présentés sur les murs latéraux ont chacun pour titre un prénom en lien avec le ciel, les étoiles ou la lumière.
Quelques prénoms : Avana, Tsala, Khandro, Barakiel, Chandra Shekar, Ma’Al-Sama, Chöying, Celestino, Hila, Sansar, Nonkanyamba, Tukioko, Urtzi, …
La collaboration de Fabienne Verdier avec la lexicologue Bérangère Baucher a permis de constater que sur les cinq continents et dans presque toutes les cultures, les parents font parfois le choix de donner à leurs enfants un prénom qui « chante » le rapport humain avec le cosmos. Un groupe de linguistes internationaux, réuni à l’occasion de ce projet, a répertorié et collecté ces prénoms « tournés vers le ciel ». Au dos de chaque tableau est inscrit le prénom choisi par l’artiste, dans sa langue originale, dans sa transcription et dans sa traduction. Un cartel permet aux visiteurs d’identifier « les individus » composant cette constellation d’étoiles qui résonne sous la voûte de la salle.
Ces cercles de lumière ou « Rainbow paintings » sont pour l’artiste des portraits en référence aux personnes que la Covid-19 a emportées, sans permettre aux proches de les accompagner et d’accomplir ensuite les rites funéraires. Conçus comme des icônes contemporaines, ils sont destinés à apaiser ou consoler les personnes ayant perdu un proche.
Cette volonté de créer une œuvre universelle, invitant les visiteurs à s’y reconnaître, répond au retable de Grünewald qui s’adressait aux malades soignés au couvent des Antonins d’Issenheim au XVIe siècle.
Au fond de la nef contemporaine, le visiteur est confronté à une immense peinture, Vortex, qui représente l’aboutissement et la synthèse de la répercussion ondulatoire des tableaux de lumière qui figurent sur les murs latéraux.
Entre l’obscurité et la lumière, le flux d’énergie blanche en expansion contraste sur le fond bleu nuit de la toile. L’œuvre évoque, comme chez Grünewald, le rapport entre le ciel et la terre, le mouvement ascensionnel et la dissolution de la matière.
C’est l’acceptation de la dissolution du corps dans le Royaume Céleste…
L’ensemble de l’installation se présente comme une œuvre d’art totale permettant au public une expérience immersive, grandiose, émouvante, absolument sublime !
Depuis ses études aux Beaux-Arts de Toulouse, le parcours artistique de Fabienne Verdier (née à Paris en 1962) est jalonné de confrontations avec des systèmes de pensée issus de cultures et d’époques différentes ; son processus créatif se nourrit d’une hybridation des savoirs et se manifeste au moyen d’inventions techniques diverses.
Fabienne Verdier est une artiste exceptionnelle d’une grande sensibilité et d’une immense générosité. Elle est avant tout une chercheuse. Sa recherche permanente de spiritualité lui a permis de découvrir de nouvelles écritures et d’affirmer une expression très contemporaine du ressenti. Le clapotis de l’eau d’une rivière, le vent dans les branches d’un arbre, la brutalité d’une montagne ou encore la traduction picturale de la musique ont été captés par l’artiste qui va à l’essentiel en retenant les seules vibrations qui s’expriment naturellement. L’artiste a un vif intérêt pour les lois de la Nature et pour le Cosmos. Son geste artistique est fulgurant et son mouvement toujours juste.
Cette exposition singulière offre aux visiteurs une expérience unique et ineffable. C’est un cheminement initiatique dans lequel on ressent toute la puissance d’une œuvre ondulatoire. L’art et la physique quantique se rejoignent magistralement. L’harmonie qui se dégage entre l’antique et le contemporain est époustouflante de beauté.
Pour l’artiste, « Peindre, comme respirer, c’est mettre son moi intérieur en harmonie avec la dynamique du Cosmos. »