L’institut Giacometti, en collaboration avec l’Association Atelier André Breton, le Centre Pompidou et le Musée national d’art moderne de Paris (MAM), présente une exposition inédite « Alberto Giacometti – André Breton, Amitiés surréalistes » jusqu’au 10 avril 2022. Une amitié intense anima les deux artistes particulièrement entre 1933 et 1934. Les visiteurs découvrent les amitiés durables ou épisodiques que Giacometti noua avec Louis Aragon, Hans Arp, Victor Brauner, Claude Cahun, Leonora Carrington, René Crevel, Salvador Dali, Lise Deharme, Paul Éluard, Max Ernst, Georges Hugnet, Jacqueline Lamba, André Masson, Joan Miró, Meret Oppenheim, Pablo Picasso et Tristan Tzara. Toute la lumière est faite sur les œuvres surréalistes gardées précieusement par Giacometti tout au long de sa vie.
Alberto Giacometti est membre du groupe surréaliste de 1930 à 1935. Très vite, ses recherches sculpturales et graphiques autour de l’érotisme, du jeu et de l’onirisme et son inventivité plastique le distinguent comme l’un des artistes les plus innovants du mouvement
Il noue des liens forts avec ses camarades artistes, écrivains et poètes, femmes et hommes, des amitiés qu’il conserva pour la plupart bien après avoir pris ses distances avec le groupe.
Fruit de recherches inédites dans les archives personnelles de Giacometti et dans celles de Breton, cette exposition valorise les œuvres surréalistes gardées précieusement par Giacometti chez lui et dans son atelier. Elles dialoguent harmonieusement avec les chefs-d’œuvre de ses amis surréalistes issus des collections du Centre Pompidou, du Musée d’art moderne de Paris (MAM), du Musée National Picasso-Paris, du Musée des Beaux-Arts de Bruxelles et du Moderna Museet de Stockholm, ainsi que de collections privées.
La mythique « Boule suspendue » en bois a quitté de manière exceptionnelle le « Mur » d’André Breton conservé au Centre Pompidou de Paris pour se retrouver au centre de la première salle de l’Institut au premier étage. Elle dialogue avec les toiles des maîtres du surréalisme.
Le cercle surréaliste d’André breton.
En 1930, Alberto Giacometti crée Boule Suspendue (métal et plâtre), une cage à l’intérieur de laquelle une sphère suspendue semble pouvoir glisser sur l’arrête d’un croissant, suggérant la pulsion scopique ou une forme d’érotisme impossible. Il expose à la galerie Pierre et l’œuvre rencontre un succès inattendu. Elle attire l’attention d’André Breton, le chef de file du groupe surréaliste qui en acquière une version en bois, une pièce unique qu’il gardera toute sa vie dans son atelier parisien rue Fontaine. Breton prête Boule suspendue pour des manifestations surréalistes dont « L’exposition surréaliste d’objets » à la Galerie Ratton, alors que Giacometti venait de quitter le groupe. Il y a pourtant noué des liens d’amitié avec Masson dont il aime l’automatisme développé, avec Picasso pour le jeu et l’amour cruel. Giacometti est alors fasciné par les images à double interprétations et le thème de Guillaume Tell chez Dali.
Amitiés surréalistes
Dans le cercle de Breton, Giacometti participe aux enquêtes sur « la connaissance irrationnelle de l’objet » et collabore aux recueils et aux revues du mouvement, en publiant des illustrations, des poèmes et des récits de rêves. Ses œuvres sont photographiées à l’atelier ou lors des accrochages par de grands photographes comme Man Ray, Dora Maar, Brassaï et André Boiffard, qui réalisent aussi les premiers portraits photographiques de l’artiste.
Dès son adhésion au surréalisme, il s’engage politiquement et suit les réunions de l’Association des Artistes et Écrivains Révolutionnaires avec Louis Aragon, Claude Cahun, René Crevel, Paul Éluard ou Tristan Tzara.
Des archives inédites exposées au sein de l’exposition témoignent des liens forts noués entre ces artistes de renom.
Deux portraits d’André Breton se distinguent : l’un réalisé par Victor Brauner en 1934 et l’autre, par Alberto Giacometti réalisé entre 1932 et 1933.
Cube
Lorsque le père de Giacometti décède en 1933, Alberto est angoissé et sculpte le célèbre Cube, un polyèdre irrégulier à douze faces, œuvre liée à la mort et à la mélancolie.
Ce thème sera récurant sous forme de dessins ou comme élément de sa sculpture Table. Il sculpte aussi une Tête crâne, dont Breton lui commande un moulage pour sa propre collection.
L’air de l’eau
Le 29 mai 1934, André Breton rencontre l’artiste Jacqueline Lamba. Ils se marient quelques mois plus tard avec pour témoins, Éluard et Giacometti et pour photographe, Man Ray. Breton compose alors, pour Jacqueline, le recueil de poèmes L’air de l’eau et propose à son ami de les illustrer en gravure.
Giacometti dessine des esquisses dans un premier temps que nous pouvons découvrir pour la première fois au sein de l’exposition. Parmi tous ses dessins, seulement quatre sont retenus pour illustrer l’ouvrage : une chimère aux yeux en amande, queue de serpent et pattes en griffes ; la « fée de sel », représentée au-dessus d’une boule de cristal, évocation de la passion du couple pour la voyance ; la main de Jacqueline portant sur sa paume une tour de Babel, référence à la « petite Babylonienne trop blanche », une statuette babylonienne conservée au musée du Louvre symbolisant l’amour et enfin, le « chevalier de paille » personnage fait de brins de paille monté sur un cheval.
Sur un carnet figure aussi le portrait de Jacqueline, le seul connu à ce jour réalisé par l’artiste.
L’équation de l’objet trouvé
De plus en plus proches, Giacometti et Breton partagent les mêmes interrogations sur l’amour et la femme aimée et entretiennent des échanges très intimes. Lors d’une promenade au printemps 1934 l’artiste et l’écrivain trouvent un demi-masque en tôle au marché aux puces qui inspire Giacometti pour la réalisation de sa sculpture L’Objet invisible (1934-1935).
Cette sculpture représente une femme semi-assise sur une sorte de trône, tenant entre ses mains un objet invisible. Son visage est travaillé comme un polyèdre aux yeux hypnotiques. Giacometti lui donne aussi le titre de « Mains tenant le vide », jeu de mots avec « maintenant le vide » et elle sera reproduite dans « l’amour fou » d’André Breton écrit en 1937.