« Depuis de nombreuses années, j’achète et je reçois les robes, les manteaux, les vestes qui témoignent de la grande histoire de la mode. C’est devenu chez moi une attitude corporative de les préserver, une marque de solidarité à l’égard de celles et ceux qui, avant moi, ont eu le plaisir et l’exigence du ciseau. C’est un hommage de ma part à tous les métiers et à toutes les idées que ces vêtements manifestent. » – Azzedine Alaïa
Dix ans après la grande rétrospective consacrée au couturier au Palais Galliera, Azzedine Alaïa (1935-2017) est de nouveau mis en lumière à travers une exposition qui présente, pour la première fois, sa collection patrimoniale exceptionnelle qu’il a réunie au fil du temps.
Azzedine Alaïa compte parmi les plus grands couturiers du XXe siècle. Il s’est illustré par sa maîtrise des techniques de coupe et d’assemblage. Au gré des collections qu’il réalisa de 1979 à 2017, il inventa une silhouette nouvelle, d’architecture fondamentale. Ses créations, en apparence sobres, brillent d’inventions techniques et de grâce intemporelle.
Depuis 1968, Alaïa se révéla aussi un collectionneur précoce des archives du passé et de la mode, qu’elles soient de haute couture, de prêt-à-porter ou d’usage. Représentatif de l’histoire de la mode depuis la fin du XIXe siècle à nos périodes contemporaines, ce fonds, patrimoine de la fondation qu’il a souhaitée à son nom, fait état de plusieurs milliers de numéros.
Azzedine Alaïa était un grand virtuose de la coupe. Sa technicité lui venait de la profonde admiration qu’il avait pour les couturiers du passé et d’une longue pratique acquise auprès de ses clientes qu’il a habilement servies.
Alaïa débute sa collection à la fermeture de la maison Balenciaga dont il récupère de précieuses pièces. Captivé par l’étude des créations haute couture du maître espagnol, il développe, dès lors, une passion pour l’histoire de sa propre discipline.
Alaïa a réuni plus de 20.000 pièces témoins de l’art de ses prédécesseurs, depuis la naissance de la haute couture à la fin du XIXe siècle jusqu’à plusieurs de ses contemporains.
Alaïa est le plus grand collectionneur de pièces de couturiers parmi les plus prestigieux : Worth, Jeanne Lanvin, Jean Patou, Cristóbal Balenciaga, Madame Grès, Paul Poiret, Gabrielle Chanel, Madeleine Vionnet, Elsa Schiaparelli, ou encore Christian Dior… La création contemporaine est représentée par des pièces de Jean Paul Gaultier, Comme des Garçons, Alexander McQueen, Thierry Mugler, Yohji Yamamoto, …
Réunissant près de 140 pièces parmi les plus exceptionnelles, le parcours de l’exposition retrace l’histoire de cette inestimable collection qu’Alaïa a constituée dans le plus grand secret et qui n’a jamais été dévoilée de son vivant, en France comme à l’international.
L’exposition se prolonge dans la salle Matisse du Musée d’Art Moderne de Paris avec la présentation de trois costumes de Matisse.
Ces pièces historiques, rares et fragiles ont été conçues par Matisse en 1919 pour Le Chant du Rossignol, ballet en un acte créé par Serge Diaguilev pour les Ballets russes. La chorégraphie est confiée à Léonide Massine, sur une musique d’Igor Stravinsky. Inspiré d’un conte d’Andersen, le ballet évoque la rencontre entre un empereur chinois et un rossignol au chant merveilleux qui, après avoir été remplacé par un oiseau mécanique, revient chanter au chevet de l’empereur et le sauve de la mort.
Parmi tous les costumes imaginés par Matisse pour ce ballet orientalisant, Azzedine Alaïa a retenu les plus audacieux et les plus abstraits. Librement esquissées à la main, les fleurs peintes sur le costume du Chambellan dessinent un motif décoratif éminemment synthétique et moderne. Plus austères et géométriques, les triangles et bandes obliques appliqués sur les costumes des Pleureurs créent un intense effet de contraste et de rythme.
C’est la première fois que Matisse accepte de participer à la mise en scène d’un ballet. La conception du décor, du rideau de scène et des costumes lui permet d’exercer sa créativité de manière inédite : « ce sera pour moi une expérience », se dit-il. L’expérience du ballet sera réactivée par le peintre au début des années 1930 pour la réalisation de sa Danse monumentale dont le Musée d’Art Moderne de Paris abrite deux versions. Matisse renoue alors avec la technique originale qu’il avait déjà imaginée pour la conception des décors du Rossignol : les papiers découpés.
Il réunit aussi les œuvres de couturiers et couturières dont les noms, aujourd’hui oubliés, sont inscrits dans les livres d’histoire, ainsi que des créations, dignes témoins de l’activité des ateliers, dont il ne cessait de sanctifier la valeur et le travail.
En préservant ce patrimoine immense pour la France et pour la mode, Azzedine Alaïa ne figure plus seulement au titre de couturier qui, de Tunis à Paris, vint révolutionner la mode : il s’est incarné, seul, comme l’historien secret, garant désormais de la mémoire de tous.
Une sélection des plus significatives de son goût pour l’intemporalité est ici pour la première fois présentée.
Venez admirer cette collection éblouissante, jusqu’au 21 janvier 2024 !